Le microbiote ou l'écologie microbienne de la naissance

                                              

              « Le microbe n’est rien, le terrain est tout », Pasteur

 Avez-vous déjà entendu parler du microbiote ?

Je serai assez étonnée si vous me disiez non…car depuis quelques années, on en entend beaucoup parlé. Notamment dans les médias, journaux, podcasts, et internet en général. De nombreux livres, articles et études ont été publié ces dernières années sur cette notion devenue très à la mode.

D’ailleurs l’un d’entre eux : « Le charme discret de l’intestin » de Guilia Enders, m’a non seulement permis d’en savoir plus sur le sujet (et ceux de manière ludique) mais surtout m’a permis de prendre conscience à quel point il est fondamental de préserver et/ou restaurer un équilibre bactérien interne tout au long de sa vie. Et plus particulièrement, au travers des différents cycles de la femme, principalement pendant la grossesse mais aussi chez le nouveau-né et l’enfant.

Avant 2005, nous n’avions à notre connaissance que 10% des informations actuelles. En effet les techniques récentes ont permis une avancée scientifique très importante des connaissances. Avant cette date, les recherches se faisaient en culture sur boite (conditions d’expérimentation limitées), aujourd’hui on fait du séquençage d’ADN de fèces (métagénome). Grâce à cette dernière technique, de belles évolutions ont pu voir le jour et des conclusions très intéressantes nous aident à mieux comprendre ce monde microbien et donc à mieux prévenir et soigner.

Je vous raconte tout cela … et biensur vous donnerai aussi de précieux conseils  pour booster tout ce petit monde.

D’abord quelques généralités sur cet organe souvent maltraité, qu’on a tendance à négliger…

Il existe au sein de notre organisme différents écosystèmes. En fonction des tissus, ces écosystèmes peuvent donc varier dans leur nature même.

Le microbiote intestinal est l’écosystème le plus complexe : il y séjourne de nombreux micro-organismes tels que des bactéries, des virus, des champignons, des archées bactéries, des levures …

Il représente à lui seul 1 à 2 Kg du poids corporel d’un être humain, dont 1 milliers d’espèces sont identifiés à ce jour.

Le microbiote intestinal représente aujourd’hui un axe majeur de recherche en santé humaine. Il participe à l’équilibre santé/maladie.

Il est très spécifique et différent d’un individu à un autre. Mais sa fonction est identique d’un individu à un autre : il y a une redondance fonctionnelle, c’est à dire que plusieurs bactéries assurent la même fonction.

Il s’étend de la bouche à l’anus, avec un gradient de pH différent en fonction des tissus.

A titre d’exemple dans l’estomac le pH est compris entre 1,5<pH<5 : la biomasse microbienne est faible (se sont principalement des bactéries aérobies).

Dans le côlon le pH est compris entre 5<pH<7. Il y a une plus grosse proportion de micro-organismes car moins d’oxygène et donc plus de bactéries anaérobies. En faite 50 à 60% des bactéries intestinales sont anaérobies.

En fonction du régime alimentaire de l’individu, le microbiote intestinal ne sera pas de la même composition : il s’adapte.

A titre d’exemple, le microbiote d’un enfant du Burkina Faso (peu de calories, beaucoup de fibres) sera très différent d’un enfant européen (beaucoup de calories, peu de fibres).

Le microbiote représente à lui seul un variable Santé/Maladie au même titre que le mode de vie, l’alimentation, l’environnement, le stress, l’activité physique, la génétique, l’epigénétique …

 

 Son rôle dans la santé humaine :

 Savez vous quelles sont les différentes fonctions du microbiote ? En voilà quelques-unes :

– Le maintient de l’imperméabilité intestinale

– La métabolisation

– La digestion

– Le développement du système immunitaire et son bon fonctionnement

– Il joue un grand rôle dans l’axe intestin/cerveau : rôle de second cerveau pour notre bien-être.

– Il joue un rôle majeur dans l’efficacité des traitements anticancéreux (notamment dans les immunothérapies). Il s’agit là d’une REVOLUTION dans la recherche. En effet certains traitement anticancéreux type immunothérapies sont moins voir non efficaces sur des individus avec un microbiote déséquilibré.

De nombreuses études démontrent qu’une dysbiose (un déséquilibre microbien) peut être à l’origine des certaines pathologies telles que: l’obésité, le diabète, la maladie de Crohn, les diahrées (si prise d’antibiotiques), la maladie coeliaque, les allergies, les infection aux HIV, l’autisme, la grippe, le Covid, les troubles du comportement.

Pourquoi et comment ?(très simplifié…)

 De part notre alimentation ultra-transformée, peu diversifiée, avec de nombreux intrants chimiques, nous avons crée au fil du temps des mécanismes d’hyperperméabilité de nos intestins : les agents toxiques peuvent donc traverser plus facilement. Par conséquent une inflammation chronique de la muqueuse intestinale peut être responsable de pathologies.

Comment se construit notre microbiote ?

…ou l’écologie microbienne de la naissance.

 Dans le ventre de sa mère, le microbiote du fœtus est considéré comme stéril, dépourvu de tout germe.

C’est à la naissance que le bébé acquière son microbiote.

Si la naissance se fait par vois basse, son microbiote sera composé des bactéries du vagin, de l’intestin de sa mère (des lactobacilles principalement) et de la peau.

Si la naissance se fait par contre par césarienne, son microbiote sera composé des bactéries de la peau, de la salle d’accouchement et du personnel soignant !!

Ensuite il va beaucoup évoluer en fonction de son type d’alimentation:

Un bébé allaité aura beaucoup plus de bifidobactéries (bactéries protectrices) qu’un bébé biberonné.

Et si la maman et/ou le bébé ont eut un traitement antibiotique dans la période périnatale (pendant la grossesse, pendant le travail et après la naissance), le microbiote pourra être perturbé.

Puis il évoluera en fonction de la diversification alimentaire, de la probable prise d’antibiotique pendant l’enfance, ou encore de son alimentation de manière globale. Une alimentation ultra-transfomée participe, exacerbe la dysbiose…

Enfin au delà de 65 ans, le processus inflammatoire est plus important, la composition du microbiote change.

L’origine de notre microbiote est donc notre maman ! Puis il va se diversifier avec l’âge, principalement avec la diversification alimentaire.

Vers l’âge de 3 ans, il atteint son stade adulte. Il se stabilise à cet âge là.

 

Que se passe-t-il lors de la grossesse, de l’accouchement et de l’allaitement ?

Des études récentes ont montré que le placenta n’est pas doté de son propre microbiote et que comme nous le disions précédemment, c’est bien à la naissance que le microbiote du bébé est acquis par sa maman (Nature, article de 2019). Toutefois les composés microbiens de la maman traversent le placenta et participe à l’alimentation du bébé en intra-utérin.

Pendant la grossesse, le microbiote de la maman est très différent, il se transforme : la diversité intestinale diminue, celle vaginale augmente, notamment au troisième trimestre de grossesse.

Il est donc conseillé de soigner rapidement une dysbiose présent pendant la grossesse (constipation, gazs, reflux gastro-oesophagien, une gastro-entérite…) à l’aide de probiotiques ciblés.

A l’accouchement, il y a un transfert massif du microbiote intestinal et vaginal vers le bébé.

Lors de l’allaitement maternel, il y a un transfert continu via le lait de probiotiques et de prébiotiques (formant à eux deux des symbiotiques).

Le lait maternel est composé d’eau, de protéines, de lactose, de vitamines, de minéraux, d’hormones, de cellules immunitaires (anticorps) et plus de 800 bactéries. Mais aussi des HMOs : ce sont des oligosaccharides (des sucres complexes) du lait maternel, soit des carburants pour les bifidobactéries.

Les HMOs (2018, Public) confèrent au lait maternel les propriétés suivantes :

  • Une activité anti-bactérienne et anti virale
  • Une action prébiotique, augmentant les bactéries bénéfiques (bifidobactéries)
  • Une maturation de la barrière intestinale
  • Une augmentation des métabolites (acides gras à chaines courtes)
  • Un effet sur le système immunitaire
  • Une modulation dans la reconnaissance des pathologies

Les bénéfices santé du lait maternel ne sont plus à démontrer :« il a tout, il sait tout, il peu tout ». Tellement que les industriels en rajoutent dans la formulation des lait infantiles.

Altération du microbiote dés la naissance

 Le transfert du microbiote de la mère vers l’enfant peut être altéré si :

Pendant la grossesse, une dysbiose se manifeste chez la femme enceinte (constipation, reflux, diahrées…), et en cas de prise d’antibiotiques.

Lors de l’accouchement : en cas de césarienne principalement et de prise d’antibiotiques pendant le travail.

Après la naissance : si prise d’antibiotiques chez le bébé, si le bébé n’est pas allaité, en fonction de son environnement (la maternité, la maison), sa génétique, l’introduction d’une alimentation solide, et globalement de l’alimentation du petit juqu’à l’âge adulte.

Lors d’un accouchement par césarienne, les études démontrent un plus grand risque de maladies immunologiques chroniques comme :

– L’asthme : +20%

– Les allergies: +18%

– Le diabète : +23%

– La maladie de crohn : +13%

– L’obesité : +15%

– La dermatite atopique: 18%

 Il y a donc une fenêtre d’opportunité à la naissance. Si celle ci est altérée, il faut agir très vite et ceux dés la naissance car le microbiote du bébé est plus malléable que celui de l’adulte.

 Un bon microbiote c’est assurer un bon développement du système immunitaire pour l’âge adulte !

 

 

Quelques conseils en matière de santé environnement en lien avec le microbiote : comment le favoriser ??

 Le bébé étant soumis à une grande immaturité digestive, il est très important de veiller à diversifier son microbiote !

Et donc à ne surtout pas le laisser évoluer dans un environnement soit stéril, soit contaminé par des polluants de l’environnement intérieur notamment. Il en va de même pour la femme enceinte et de celle qui allaite. Et biensur pour tout en chacun.

 Nous devons être exposés aux microbes !! Mais les bons…

Voici quelques conseils en vrac non exhaustifs:

  • Favorisez la naissance voie basse (par le vagin) !
  • En cas de césarienne : discutez avec votre gynécologue de la possibilité de pratiquer un ensemencement de bactéries de votre vagin au bébé à la naissance (bouche et corps).
  • Dans la mesure du possible, allaitez votre bébé.
  • A la naissance : favorisez le peau à peau, et même encore après à la maison !
  • Lorsque bébé arrive au stade oral : laissez le porter à la bouche des objets, et surtout ne désinfectez pas ces mêmes objets mais lavez les juste à l’eau (ou vinaigre blanc dilué à de l’eau).
  • Ne stérilisez pas à outrance les biberons, tétines (surtout pas à froid avec des pastilles de chlore).
  • N’utilisez pas de solutions hydro-alcoolique avant de vous occuper de votre bébé : lavez vous plutôt les mains avec un savon neutre, labellisé et rincez.
  • Evitez la prise d’antibiotiques si cela n’est pas justifié (vous comme vos enfants)
  • Pour les femmes enceintes et allaitantes : une alimentation riche, variée, bio, locale et de saison. Evitez les protéines de lait de vache et les sucres raffinés. Et surtout évitez l’alimentation ultra-transformée (plats industriels avec de nombreux additifs alimentaires, édulcorants…).
  • Privilégiez les aliments suivants : fruits, légumes, yaourts, les aliments fermentés comme la choucroute, le kéfir, le kombucha, le tempeh, le miso, le kimchi, la levure de bière, les légumes lactofermentés, le vinaigre de cidre.
  • Pour celles qui ont eut une césarienne et / ou pour celles qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas allaiter : dés les premiers jours de vie, donnez à votre bébé des probiotiques ciblés.
  • Lors de la diversification alimentaire : privilégiez les aliments bio (exempts de pesticides de synthèses issus de la pétrochimie), locaux, de saison et surtout diversifier !! La pomme golden n’est pas la seule variété de pomme au monde que votre bébé va apprécier!!
  • Prenez le temps de mastiquer en mangeant (je dis à mes enfants de mâcher 10 fois avant d’avaler :-))
  • Diminuer toute source de stress au moment du repas.
  • Privilégiez un habitat sain dont la qualité de l’air intérieur soit favorable à un environnement intérieur sain. (Je vous réfère à mon article dans Obstetrica, novembre 2022, fiche pratique, conseils d’une Eco sage-femme pour favoriser un environnement sain pendant le grossesse et la période des 1000 jours).

 

Et n’oubliez pas : les bifidobactéries sont les organismes clés !

 

 

Bibliographie :

  • Etude Maria Gloria Dominguez-Bello USA (2016),

    Les césariennes augmenteraient le risque d’obésité via le microbiote intestinal, www.gutmicrobiotaforhealth.com

  • Etude 2019, Nature, Bébés nés par césarienne ont besoin des microbes de leur mère.
  • « Le charme discret de l’intestin «  de Guilia Enders, Actes sud.
  • Formation FSSF, février 2023, «Microbiote, santé féminine périnatale et développement du bébé» Dr. Prof Philippe Langella et Silvia Fischer.
  • Cours théorique Nesting, WECF France, Philippe Perrin, Eco-infirmier, 2019

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