L' endométriose : une maladie liée à l'environnement?

En mai 2023, j’ai eu le plaisir d’écouter lors d’une formation continue pour les animatrices Nesting du réseau WECF France, le Pr Peter Von Theobald, professeur et médecin hospitalier à La Réunion.

Il est l’auteur de L’Endométriose, comprendre la maladie, soigner la douleur et traiter l’infertilité.

D'abord quelques définitions

Les règles ou menstruations sont un processus naturel, physiologique du corps de l’être humain, et se définie par l’écoulement périodique et temporaire par le vagin d’un mélange composé de sang, de sécrétions vaginales, et de cellules de la paroi utérine.

Dans nos sociétés, elles sont encore trop souvent considérées comme un sujet tabou, emprisonnées dans des stéréotypes féminins contrastées par des notions de douleurs, de relation avec les mères, les femmes, voir même d’hystéries, de croyances, d’ hygiène, de notion d’odeur, …

L’endométriose est une maladie inflammatoire complexe qui peut récidiver dans certains cas et générer des douleurs chroniques et invalidantes.

Elle se définit comme la présence en dehors de la cavité utérine de tissu semblable à la muqueuse utérine (endomètre) qui subira, lors de chacun des cycles menstruels ultérieurs, l’influence des modifications hormonales.

Il s’agit dune pathologie non isolée, qui peut arriver à tout âge, dès les premières règles comme après plusieurs grossesses. Et qui très souvent est améliorée avec la ménopause.

 Elle touche une femme sur dix.

Malgré un très grand nombre de cas, cette maladie est encore trop peu connue et diagnostiquée tardivement, avec un retard de 7ans en moyenne.

Dans 30% à 40% des cas elle est responsable d’infertilité : elle en est d’ailleurs la deuxième cause.

Les signes

Les premiers signes de l’endométriose sont liés à des douleurs anormales de règle, des douleurs lors des rapports sexuels et la présence d’infertilité (souvent les trompes sont bouchées).

L’endomètre peut alors aller migrer assez loin de sa zone d’origine et aller proliférer à différents endroits du corps de la femme.

Les zones les plus fréquentes sont au niveau des voies gynécologiques (trompes, ovaires..), mais aussi rénales, digestives, et urinaires. Mais on peut aussi en retrouver au niveau de cicatrice de césarienne, de cicatrice d’épisiotomie, de hernies ombilicales, du diaphragme (avec présence de douleurs respiratoires lors des règles), des poumons (possibilité de pneumothorax lors des règles), du médiastin, provoquer des névralgies, des crises d’épilepsie, des saignements de nez important.

Le diagnostique n’est pas évident !

L’interrogatoire de la femme est fiable si on l’écoute bien!! Et qu’on la croit !!

Un test efficace est proposé en première intention, celui de l’algoménorrhée : on détecte la présence de douleurs lors des règles malgré la prise de pilule hormonale adaptée et d’anti-inflammatoire.

A l’interrogatoire, on retrouve souvent trois symptômes présents :

Douleurs dans le petit bassin, douleurs lors d’émission des selles et miction et dyspareunie profonde.

L’examen clinique est souvent non performant.

A l’échographie on peut assez facilement voir des kystes ovariens, mais ce n’est pas parce qu’on a des kystes ovariens qu’on a de l’endométriose. Elle est donc peu fiable.

Avec un IRM, le diagnostique est plus fiable mais attention il reste beaucoup d’erreur, la marge est d’ailleurs de 20% d’erreur. C’est énorme !

Alors on mise plutôt sur l’endoscopie rectale : une coelioscopie avec une biopsie. C’est à ce jour le seul examen fiable à 100% s’il est bien réalisé.

On peut alors détruire les lésions par laser (radiofréquence) : il y a dans ce cas 85 % de guérisons.

Des solutions de dépistage pour un avenir proche ?

Des tests sanguins étant peu avancés, de nouvelles et récentes études se basent sur des des tests salivaires, appliquant les modèles de recherche génétique.

Les premières études semblent être très prometteuses et fiables. Ce nouveau procédé, baptisé Endotest cherche actuellement à être vérifié avec de nouvelles études et surtout pourrait réduire le délai de diagnostic.

Il est déjà disponible en France pour certaines femmes avec un accés précoce et sécurisé, à positionner en troisième intention lorsque le diagnostic est complexe (après interrogatoire et IRM).

Côté épidémiologique

Le Pr Peter Von Theobald se base sur des études menées en 2012 *

L’une d’entre elle se base sur un échantillon de près de 4000 femmes âgées de 15 à 49 ans, hospitalisées pour endométriose grave (donc stade 3 à 4).

Voici les conclusions :

  • Les deux régions les plus atteintes en France sont : la région Centre (en lien avec l’utilisation de pesticides dans une région agricole et viticole) et La Réunion (où le taux élevé de co-sanguinité favoriserait la maladie).
  • 10% des endométrioses sont des formes graves nécessitant une intervention.
  • Le nombre de femme malade est en réalité 10 fois plus important
  • En Allemagne : le ratio est de 8%0
  • Le chiffre est quasi identique en Italie, mais l’étude souligne que dans les régions agricoles (exemple Turin), il y a 30% de plus de femmes malades que dans les autres régions non agricoles.
  • Il y a bien une influence génétique évidente : il multiplie le risque d’être malade par trois autrement dit il y a trois fois plus de risque d’être malade si la mère ou la grand-mère sont ou ont été atteintes et davantage dans les milieux fermés (les îles par exemple).

Et Le caractère environnemental alors ?

    

Grâce à de nombreuses études * menées depuis 2012, il est admis que l’endométriose est une pathologie dont les causes sont multifacorielles :

  • génétiques
  • liées à l’activité ostrogénique : en lien avec les perturbateurs endocriniens (PE)
  • epigénétiques : l’environnement agit sur l’expression des gènes

Ainsi les perturbateurs endocriniens ne favorisent pas l’existence de l’endométriose mais son expression.

Les perturbateurs endocriniens : kesako?

Les PE sont des substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle étrangères à l’organisme. Elles peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et induire des effets néfastes sur l’organisme d’un individu ou sur ses descendants (OMS, 2002).

Ils peuvent agir de différentes façons :

  • en imitant l’action d’une hormone naturelle ;
  • en se fixant sur les récepteurs des hormones naturelles ;
  • en gênant ou en bloquant le mécanisme de production ou de régulation des hormones ou des récepteurs, modifiant ainsi les concentrations d’hormones présentes dans l’organisme.

Leurs caractéristiques

Ces molécules ont remis en questions la toxicologie classique, car elles présentent des effets nouveaux :

  • Des  effets à des faibles doses 
(conséquences plus importantes à des doses faibles), nous parlons de courbe en cloche.
  • Des effets majorés à certains moments de la vie : les fenêtres de sensibilité. 
(enfance, femme enceinte)
  • Ils ont un effet cocktail 
 : l’idée principale de l’effet cocktail c’est que si l’on est exposé en même temps à plusieurs substances chimiques différentes, cela peut théoriquement renforcer les effets nocifs de chaque substance ou produire des effets inattendus.
  • Des effet de transmission transgénérationnelle (ou au moins intergénérationnelle jusqu’à F2 pour la 
mère) .

Certains PE sont des composés solubles dans les corps gras (lipophiles), c’est-à-dire qu’ils se fixent sur le tissu adipeux, et peuvent facilement s’accumuler dans les graisses de différentes espèces et ainsi contaminer une grande partie de la chaîne alimentaire. Ainsi, il est possible de doser les PE dans le sang, le tissu adipeux, le lait maternel, le liquide amniotique, le sang du cordon ou les urines.

D’après le rapport OMS-PNUE 2012, les sources d’exposition sont nombreuses et très divers : aujourd’hui 800 substances sont suspectées ou avérées PE (www.who.int/ceh/publications/endocrine/en).

En France, il existe une Stratégie Nationale (SNPE 2014-2016 ) de lutte contre les PE. Le but  étant de diminuer l’exposition de la population à ces substances.

En Suisse,  Lausanne et Genève plus récemment sont partis à la chasse aux PE  : www.geneve.ch/fr/document/perturbateurs-endocriniens-geneve-lausanne-affiches.

Mais où se cachent-ils ?

Nous pouvons les trouver dans des plastifiants (phtalates, Bisphénols, retardateurs de flemmes), des pesticides (fongicides, herbicides), des médicaments (cas du Distilbène), des anti-douleurs (paracétamol, aspirine), des anti-inflammatoires non stéroïdiens (Ibuprofène), des antidépresseurs…

Beaucoup dans l’industrie du Tabac, mais aussi dans les dioxines, les furanes, les PCB (pratiques industrielles, métallurgiques, d’ecobuage).

Ou encore via les phyto œstrogène.

Et plus précisément ?

 Tout le long de notre chaine alimentaire : produits laitiers, viande, poisson, fruits de mer, fruits, légumes, céréales, sojà, trèfle rouge, les emballages alimentaires.

Mais aussi dans des revêtements anti adhésifs de type PFOA ( pôeles en Teflon par exemple)

Dans nos cosmétiques (parabènes), produits d’Hygiène (Triclosan)…

Il est également admis à ce jour qu’un lien existe entre :

  • Terrain allergique et endométriose
  • Maladie inflammatoire intestinale (Crohn/coeliaque/colon irritable) et endométriose
  • Maladie auto-immune (lupus) et endométriose

Il est donc essentiel de considérer le caractère environnemental dans cette pathologie pour la prise en charge des patientes (prévention et traitement).

Dans la pratique, prendre en compte le mode de vie, l’hygiène de vie de la patiente pour limiter l’impact de la maladie.

Et mettre un point d’honneur sur la prévention auprès des femmes enceintes, des jeunes filles, des mères, des adolescentes, des femmes globalement, de toute la population bien sûr  !

La première forme de prise en charge reste aujourd’hui la médication (avant la chirurgie).

Le but étant de supprimer les règles et ainsi ne pas augmenter le volume des nodules à chaque règles du à l’effet des estrogènes (cette méthode ne va pas faire disparaitre la maladie mais éviter son évolution).

Et à mon sens une nécessité plus globale, plus générale, démocratisée et systématisée d’une éviction à toute source d’ oestrogène  (donc toutes les sources de PE) doit être proposé aux patientes, aux femmes.

Comment ?

  • via l’alimentation : le conseil en nutrition est primordial !! Une alimentation plutôt protéinée sans gluten, sans sucre, sans féculents (ces derniers augmentent l’inflammation), et de préférence Bio, Locale, de Saison, tout en limitant au maximum les aliments ultra-transformés. A conseiller pendant 3 mois de manière stricte pour réévaluer ensuite la douleur.

 Le traitement diététique est important et très efficace si bien mené et bien accompagné.

  •  Un accompagnement personnalisé au cours duquel la patiente et sa famille peuvent recevoir des informations éclairées sur les sources d’exposition, les alternatives existantes mais surtout les accompagner dans ce grand process de changement au comportement: les ateliers Nesting et Ma Maison MA Santé du WECF répondent à ce critère.

 

Le mot de la fin

Il existe donc de nombreux moyens pour agir et limiter son exposition aux PE quand on souffre d’endométriose ou que l’on souhaite faire de la prévention.

Nous pouvons facilement agir au niveau de son alimentation, des habitudes de vie, de consommation et réduire son exposition de manière efficace et ainsi avoir des résultats significatifs sur sa qualité de vie.

Toutes ces actions vont favoriser le bon fonctionnement du système endocrinien et donc  réguler le cycle menstruel et les maux qui en découlent.

La problématique des perturbateurs endocriniens ne se limite malheureusement pas à l’endométriose. De nombreuses autres pathologies sont reconnues être en lien avec l’exposition à ces substances: croissance fœtale, prématurité, infertilité, cancer, diabète, maladies neurodégénaratives, comportementales, auto-immunes…

Etre bien informé, savoir  identifier les PE,  connaître les alternatives à notre portée c’est aussi penser à la santé de nos générations futures.

* Etudes

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